10 ans d’ULB-Coopération : Mara Coppens
- Responsable du service relatif à l’éducation citoyenne auprès de la DGD
- Membre du jury des Cooperation Games
Quelle est la plus-value des projets de citoyenneté mondiale, notamment auprès des étudiants du supérieur ?
Le modèle économique dominant de nos sociétés occidentales est basé sur l’exploitation de la planète, de ses ressources et de tous les êtres vivants ; il détruit des cultures et des peuples ; il augmente les inégalités. Il a dépassé tellement de limites, que ce modèle se fissure de partout avec une succession de crises d’ordre naturel, financier, migratoire, économique, démocratique, et même de guerres. Les projets de citoyenneté mondiale ont pour objectif d’inventer, de valoriser, de remettre au goût du jour et d’organiser en réseau des alternatives à ce modèle. Ils visent à encourager des modèles de société solidaires qui se basent sur les droits humains, les droits des peuples et du vivant et qui répondent aux défis planétaires auxquels nous sommes confrontés. Ces modèles sont pluriels, doivent être portés par la base et relayés par le politique. D’où l’importance que ces projets visent un public large, qu’ils comportent un volet de mobilisation citoyenne et qu’ils s’articulent avec du plaidoyer politique.
Impliquer les étudiant∙es du supérieur dans l’éducation à la citoyenneté mondiale est capital car iels sont à une étape de leur vie où iels apprennent beaucoup de choses, tant sur le plan personnel et relationnel que sur le plan des savoirs. Entre leurs mains repose la façon dont iels se projeteront dans le futur, le sens qu’iels donneront à leur métier et l’attitude critique qu’iels auront face aux savoirs anciens et nouveaux qui leur sont transmis. Je voudrais saisir l’opportunité pour préciser que l’éducation à la citoyenneté mondiale ne s’adresse pas qu’aux jeunes mais également aux adultes. Au sein des campus, elle devrait donc également concerner le corps professoral, la direction et le personnel de soutien pour que l’enseignement supérieur dans son ensemble soit à la hauteur pour construire un monde juste, durable et solidaire.
Quel est l’avenir des projets de citoyenneté mondiale en Belgique ?
Une nouvelle note stratégique sur l’éducation à la citoyenneté mondiale en Belgique a été approuvée en décembre 2023 par la Ministre Caroline Gennez. La vision, les objectifs stratégiques et les axes de travail y ont été définis, après une consultation avec beaucoup d’acteurs. Ce sera la boussole de la coopération belge dans les années à venir.
Nous développons depuis quelques années des projets de citoyenneté mondiale avec les jeunes des Suds, notamment au Sénégal. Quel est votre regard sur ce type de projets ?
Les objectifs de la citoyenneté mondiale sont pertinents partout. Néanmoins, la vision, les outils, les méthodologies qui sont développés en citoyenneté mondiale en Belgique sont porteurs d’une vision du monde et d’un contexte qui nous sont propres. Ainsi, si je comprends l’intérêt de la citoyenneté mondiale dans les Suds, je suis très prudente par rapport à la façon dont les acteurs belges s’y impliquent. Il est primordial que ces initiatives soient identifiées et portées par des acteurs locaux, que nous veillons à ne pas imposer (même sans le vouloir) notre vision, notre vocabulaire et nos pratiques (y compris par les modalités de financement ou de rapportage) et qu’il y ait une attention soutenue pour que la relation partenariale soit équilibrée et qualitative. En effet, par la relation historique qui nous lie aux Suds et en particulier aux pays africains, la tendance à accorder plus de crédit à ce qui vient d’ailleurs (et en particulier de l’Occident) risque d’occulter des pratiques ou réflexions locales qui seraient plus fécondes. Ceci est contraire aux objectifs de l’ECM qui est de valoriser d’autres visions du monde et d’autres alternatives peu ou pas connues. Au Sénégal par exemple, il y a des références très inspirantes comme Felwine Sarr qui gagneraient à être mieux connues par les acteurs de citoyenneté mondiale en Belgique.