Le drame des filles-mères en République démocratique du Congo
À 14 ans, elle tombe enceinte
Rehema est originaire de l’île d’Idjwi. Située au milieu du lac Kivu, du côté congolais, elle est l’une des plus grandes îles d’Afrique. Ses habitants, pour la plupart de l’ethnie Havu, vivent de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage. À Idjwi, Rehema vit une vie difficile, « une vie de misère ». Comme ses parents n’ont pas assez d’argent pour la scolariser, un ami de son frère leur propose de l’accueillir chez lui à Uvira, au bord du lac Tanganyika, et de payer ses frais de scolarité. Rehema n’a jamais mis les pieds dans cette ville, elle a 14 ans et elle ne connaît personne. En échange du paiement de l’école, son hôte lui demande des relations sexuelles. Rehema se sent coincée. Elle finit par céder et tombe enceinte. Quand l’auteur de la grossesse l’apprend, il exige d’elle qu’elle avorte. Mais en RDC, cette pratique est interdite et les conditions dans lesquelles l’avortement se pratique sont dangereuses. Rehema refuse. Elle a peur d’y perdre la vie. Le père du futur enfant est furieux. Il la bat régulièrement, au point d’un jour lui arracher toutes ses dents. Il s’enfuira juste après et elle ne le reverra plus jamais. Quand elle arrive à l’hôpital, Rehema est dans un état critique, mais malgré cela, on refuse de la prendre en charge. Elle est seule et on la suspecte de ne pas pouvoir payer les soins. Elle s’assied sur un banc. Elle saigne. Elle pleure toutes les larmes de son corps. Un infirmier finit par accepter de la soigner. Elle restera cinq semaines à l’hôpital après sa guérison, parce qu’on ne la laissera en sortir que quand elle aura payé la facture. Depuis, Rehema ne se rend plus à l’hôpital car elle a été traumatisée par le manque de bienveillance des soignants. Elle a honte de sa situation et elle a rarement suffisamment d’argent pour pouvoir payer la facture.
Une histoire pas si singulière
L’histoire de Rehema est à la fois singulière et similaire à celle de nombreuses autres filles-mères en RDC. Pour une femme, tomber enceinte avant d’être mariée y est très mal vu, en raison des normes culturelles qui prohibent la sexualité préconjugale. Pour cela, les auteurs des grossesses n’assument que rarement leur part de responsabilité et souvent, « ils s’enfuient ». Concernant les filles-mères, elles sont culpabilisées et stigmatisées. Certaines d’entre elles sont même chassées par leur famille et, si elles ne trouvent pas refuge chez des proches, se retrouvent à la rue. Dans cette situation, elles tentent de se débrouiller en trouvant de petits travaux et elles n’ont parfois d’autre choix que celui de se prostituer. Leur accès aux soins devient de plus en plus difficile pour des questions financières, mais aussi parce qu’elles ont peur d’être jugées ou maltraitées au sein des structures de santé.
Agir
Une attention particulière doit être accordée aux filles-mères en RDC. Aujourd’hui, leur accès aux soins reste très limité. Dans le cadre du projet PADISS, nous sensibilisons différents acteurs clés du secteur de la santé à cette problématique, et nous travaillons pour que leur prise en soit assurée au sein des structures de santé. Pour nous aider, cliquez ici.
Hélène Lambert, Assistante technique anthropologue