Préserver la flore du Niokolo-Koba : la mission scientifique de Ndeye Marie Dione Faye
Le Parc National du Niokolo-Koba (PNNK), créé en 1954 dans l’est du Sénégal, est un trésor naturel qui abrite une grande biodiversité. Avec ses 913 000 hectares, il joue un rôle essentiel dans la protection des ressources naturelles et offre des services écologiques indispensables, comme la régulation de l’eau et le maintien des sols. Cependant, de nombreuses menaces pèsent sur le Parc : braconnage, feux de brousse, réduction des points d’eau, expansion des terres agricoles et présence incontrôlée du bétail.
Pour répondre à ces défis, ULB-Coopération, en partenariat avec le PNNK et l’association Am Be Koun – Solidarité, a mené une étude pour comprendre les causes des pressions exercées sur les ressources naturelles du parc de Niokolo-Koba et évaluer les besoins des populations vivant en périphérie. L’objectif : créer une charte de bonne gouvernance pour protéger durablement ces ressources tout en impliquant les communautés locales.
C’est dans ce contexte que Ndeye Marie Dione Faye, étudiante à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (département de Biologie Végétale), a concentré sa recherche sur l’identification et la caractérisation des services écosystémiques de la flore dans la commune test de Linkering, en périphérie du parc.
Mené entre mars et août 2024, son travail s’est déroulé en deux phases :
- Enquêtes ethnobotaniques
Cette phase a été menée dans 16 villages autour du parc, avec la participation de 90 habitant·es choisi·es grâce à une méthode appelée « boule de neige » (chaque participant·e en recommande un·e autre). En complément, trois discussions de groupe ont été organisées pour approfondir les connaissances locales sur les ressources végétales. Les informations recueillies ont servi à calculer des indices ethnobotaniques, permettant d’évaluer les savoirs des habitants sur les plantes, les changements observés dans la végétation au fil du temps et la fiabilité des données collectées. Les enquêtes ethnobotaniques réalisées dans la commune de Linkering révèlent notamment une forte diminution des espèces végétales, causée principalement par les feux de brousse, la coupe abusive, la sécheresse et l’exploitation irrationnelle. - Inventaire floristique
La deuxième phase a eu lieu dans la Réserve Naturelle Communautaire et la Forêt Classée de Boumoune Samaye, en utilisant la méthode du relevé itinérant. Dans un rayon d’un kilomètre autour de sites sélectionnés selon un “échantillonnage stratifié”, l’étudiante a ainsi identifié et répertorié les arbres et arbustes rencontrés (appelés espèces ligneuses) pour en évaluer la diversité. Cet inventaire a permis d’identifier 79 espèces et, parmi ces dernières, les plus sollicitées par les populations locales. En effet, les plantes jouent un rôle vital dans le quotidien des communautés en répondant à divers besoins, tels que l’alimentation, la médecine traditionnelle, le bois de chauffe et l’artisanat. Elles sont également employées dans des domaines secondaires tels que la culture, la médecine vétérinaire, le fourrage, l’agroforesterie et même la cosmétique. Malheureusement, une majorité des espèces repérées (73 %) est considérée comme une “préoccupation mineure” par l’UICN, et seules 13 % bénéficient d’une protection légale selon le code forestier sénégalais, laissant ainsi la plupart des plantes vulnérables face à la pression humaine.
L’étude de Ndeye Marie Dione Faye a par ailleurs révélé que la biodiversité est mieux préservée dans la Forêt Classée de Boumoune-Samaye (FCBS) que dans la Réserve Naturelle Communautaire (RNC) de Linkering, cette dernière étant plus affectée par les pressions anthropiques.
Ces résultats soulignent l’urgence d’agir pour protéger les ressources végétales tout en répondant aux besoins des communautés locales. La mise en place de la charte de bonne gouvernance, fondée sur une approche participative et inclusive, est une étape clé pour concilier conservation de la biodiversité et développement durable. En protégeant ces ressources, nous préservons non seulement un patrimoine naturel exceptionnel, mais également le bien-être des générations actuelles et futures.