Ebola, la rivière blanche
Cette rivière aux eaux cristallines rejoint les eaux obscures de la Dwa pour former la rivière Mongala et déboucher, plus loin, dans le majestueux fleuve Congo. Depuis 1976, parce qu’elle passe près de l’hôpital de Yambunku, au Nord de la République démocratique du Congo (RDC), où fut identifié le premier filovirus, elle doit maintenant partager son nom avec une terrible maladie qui sème la mort partout où elle passe : la maladie à virus Ebola. En 43 ans, depuis sa découverte, 24 épidémies ont été recensées, heureusement souvent dans des zones peu densément peuplées. Sauf entre 2014 et 2015, où ce virus a causé la mort de 11.000 personnes en Afrique de l’Ouest, en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone.
Depuis août 2018, une nouvelle épidémie est en cours dans l’est de la RDC. Pour l’instant, elle est la deuxième plus importante épidémie au vu du nombre de victimes (2203 morts à la date du 1er décembre 2019).
L’échec de la RDC et des instances internationales à enrayer l’épidémie s’explique en partie par l’instabilité de la région, qui engendre d’importants mouvements migratoires, mais aussi par l’hostilité des populations face à un déploiement de force et de ressources mal compris. Dans le contexte de la RDC, marqué par une misère frappante et une réelle souffrance, la population a en effet perdu confiance en son Gouvernement et dans l’aide internationale, y compris pour Ebola. Le déficit de communication et l’exclusion des communautés dans la prise en charge du malade, en raison de son haut degré de contagion, ont accentué la peur et amplifié les rumeurs autour de la maladie (il se dit qu’Ebola est une invention du Gouvernement). Le 24 avril dernier, un médecin des équipes d’intervention était assassiné, lors de l’attaque d’un hôpital à Butembo. En juillet, la peur de l’OMS était que la maladie gagne les pays voisins et devienne incontrôlable. Le 19 de ce même mois, le premier décès d’un cas Ebola identifié à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, a poussé cette organisation à déclarer l’« urgence sanitaire mondiale », statut assez exceptionnellement octroyé dans l’histoire des maladies.
Heureusement, depuis septembre et la mise en œuvre d’autres stratégies de riposte basées également sur les soignants locaux, premiers exposés à la maladie et à l’insécurité, on observe un fléchissement dans la progression de l’épidémie. Le nombre de nouveaux cas enregistrés par jour est en déclin. Grâce aux vaccins et aux traitements administrés assez tôt, un nombre non négligeable de malades guérissent. Malheureusement, même pour les survivant·e·s, le calvaire ne s’arrête pas là.
À Goma, Espérance, une survivante d’Ebola nous explique que c’est pour aller travailler dans les mines d’or que son mari s’est rendu dans la province de l’Ituri. Quand il est rentré à la maison, il présentait peu de signes de la maladie. Cependant, quelques semaines plus tard, il décédait et Espérance et sa fille étaient prises en charge au Centre de Traitement Ebola (CTE). Aujourd’hui, elles ont toutes les deux survécu et Espérance a même été engagée dans la riposte, où elle fait un travail de sensibilisation des communautés. Elle est néanmoins victime de stigmatisation et la tristesse émerge régulièrement : « Je pense à mon mari qui est mort et qui était le responsable de la maison. Je pense aux relations familiales qui se sont brisées. Je pense aussi qu’à l’Église, on ne veut plus de moi. Quand je m’y suis rendue la dernière fois, ils m’ont tous fui ! Alors je ne sais plus quoi faire, tout cela me dépasse ». Espérance a également des effets secondaires. Elle a souvent mal à la tête et subit des troubles oculaires. Elle se rend régulièrement à l’hôpital provincial où elle est très bien accueillie et soignée.
ULB-Coopération n’est pas directement active dans la prise en charge d’Ebola. Pendant que toute l’attention médiatique est dirigée vers cette maladie, la RDC continue, en effet, à faire face à d’autres épidémies, telles que le sida et la rougeole. Il est indispensable de poursuivre le renforcement structurel du système de santé pour qu’il puisse mieux faire face aux crises sanitaires futures, et pour répondre aux besoins des populations. Fidèles à nos principes d’approche intégrée, nos équipes ont oeuvré pour que le personnel soignant soit pris en compte dans la recherche de solutions, et qu’il soit bien préparé pour la détection et la prise en charge adéquate des cas.