Ebola, l’incompréhensible épidémie !
C’est au mois d’août 2018 que les premiers cas de maladie du virus Ebola étaient déclarés dans la Province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (10e épidémie d’Ebola en RDC). La ville de Butembo devint alors rapidement l’épicentre de l’épidémie. D’importantes ressources matérielles et humaines furent mobilisées à travers les actions de nombreuses organisations humanitaires et de l’OMS. La rapidité et l’importance de ces interventions se justifiait par l’extrême gravité des symptômes de la maladie et son haut taux de contagion dans les populations humaines.
L’installation de Centres de Traitement Ebola, le déploiement de nombreux véhicules et d’hélicoptères, l’intervention d’étrangers venus de Kinshasa, d’Afrique de l’Ouest ou d’Europe, l’appui de policiers et de militaires ainsi que l’apparition de personnel soignant porteur de masques faciaux et intégralement vêtu de combinaisons protectrices combinées à l’application massive de multiples mesures sanitaires ne rassura pas les habitants de la ville. Tout au contraire, la profusion inhabituelle des moyens mis en œuvre, l’isolement des malades dans des lieux de traitement spécifiques et l’accoutrement insolite des agents de santé généra rumeur, méfiance, suspicion, fuite ou résistance (parfois avec violence). Comment, en effet, comprendre le déploiement soudain d’une pléthore de moyens pour une maladie jusque-là inconnue alors que les massacres perpétrés depuis de longues années dans l’Est du pays par des groupes rebelles n’avaient suscité aucune réaction de soutien, ni nationale, ni internationale ?
Dernièrement, ULB-Coopération, avec le soutien de l’Union européenne, a entamé une nouvelle étude anthropologique afin de mieux comprendre les perceptions, représentations et logiques sociales qui peuvent expliquer les réactions souvent hostiles de la population de Butembo à l’égard de la « riposte » (on notera le vocable directement issu du jargon militaire) organisée pour juguler l’épidémie. Une meilleure connaissance de ces mécanismes permettra, à l’avenir, d’éviter de reproduire les maladresses d’une réaction à la base bien intentionnée mais qui a, en définitive, conduit à la résistance farouche de la population et à la prolongation de l’épidémie sur deux longues années.
Daniel Arnoldussen